L’Europe libérale ne peut pas être bénéfique aux femmes

Argumentaire préparé par la commission femmes

 

Politique familiale

Le citoyen européen a le droit de travailler (Article II-75), de fonder une famille (Article II-69) mais vous chercherez en vain des propositions sur la façon de concilier pour tous, vie familiale et vie professionnelle, sur les services de garde à l’enfance, sur le droit au congé parental rémunéré alterné réclamé en France par les associations féministes, sur les aides aux études…

  

L’impossible Europe sociale

 

Sans fixer de date, mais en stipulant la contrainte du vote à l’unanimité, le projet de traité constitutionnel  impose une harmonisation des législations sociales. Quand on sait que le texte sur lequel le peuple français devra se prononcer ne contient aucun garde-fou interdisant la régression sociale, on est presque tenté par le soulagement face aux conditions drastiques qui, de fait, interdiront toute harmonisation sociale…

Cependant, le droit à la protection sociale que garantit la Nation (Article 11 du préambule de la Constitution de 1946) devient un simple « droit d’accès aux prestations de sécurité sociale », c’est un recul considérable qui fait la part belle aux assureurs privés !

Aujourd’hui, les tenants de l’Europe sociale s’agitent pour que soit adoptée, avant mars 2005, une directive concernant l’accès et la fourniture des biens et des services. A raison, ils jugent discriminatoire l’attitude des compagnies privées d’assurance qui proposent des contrats plus chers aux femmes qu’aux hommes au motif qu’elles présentent, notamment à cause des grossesses, un risque accru d’utilisation des soins de santé. Les Républicains, tout attachés qu’ils sont à la cotisation obligatoire suivant les revenus et non suivant les risques, à la solidarité entre malades et bien-portants, entre  actifs et inactifs, n’avaient pas considéré cet aspect des choses : chez la femme, le risque de grossesse est de 100 % supérieur à celui de l’homme !

 

Retraites

 

Le décret du 25 Août 2004 par lequel le gouvernement a tenté de réformer les pensions de veuvage a donné lieu à un avis défavorable du COR la commission femmes se penche sur la question.

 

Le droit à disposer de son corps

 

Que cache la formulation « droit à la vie » (Article II-62) ? La question mérite d’être posée quand nulle part le texte ne mentionne le droit à disposer librement de son corps (droit à l’avortement) ; quand, en outre, il est rappelé que « …l'Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces églises… » (Article I-52) et que l’on sait quelle vision rétrograde de la femme ont les grandes religions monothéistes ; quand enfin on réalise que la situation des femmes, face à l’avortement est loin d’être égalitaire partout en Europe (Malte, Irlande, Portugal, Pologne autant de pays où l’IVG est interdite). La très controversée Anna Zaborska, présidente de la commission européenne des droits de la femme et de l’égalité des genres, homophobe et opposée à l’avortement, possèderait incontestablement des armes pour mener ses combats rétrogrades. A l’heure de la montée inquiétante des intégrismes, on aimerait que les partisans du « oui » qui affirment, sans le démontrer, que ce texte « ne comportent que des avancées » pointent également ces risques majeurs pour la liberté et la dignité des femmes.

 

Violences

 

Le droit au divorce ne figure pas dans le texte, c’est tout à fait regrettable pour les femmes quand on sait que 95 % des violences conjugales sont exercées à l’égard des femmes et que ce sont elles qui majoritairement réclament le divorce. 400 femmes meurent chaque année suite aux coups de leur conjoint, 72 meurtres sont prémédités ; passer ces chiffres sous silence c’est évidemment porter atteinte à la dignité des femmes, c’est aussi faire preuve d’irresponsabilité politique car les violences conjugales doivent être prises en compte avec le plus grand sérieux tant pour venir en aide aux victimes que pour forcer le conjoint violent à se soigner.

 

 

Emploi : quelques chiffres concernant la situation en France

 

Taux d’activité

Hommes

Femmes

15 – 24 ans

37,5 %

30,1 %

25 – 49 ans

94,3 %

80,7 %

50 et plus

65,3 %

53,3 %

 

Temps partiel :

% de femmes

< 15 heures

84,7

15 – 29 heures

82,3

30 heures et plus

82,8

 

Emplois supérieurs / Postes à responsabilités

Femmes

Population féminine occupée

Chefs d’entreprise de + de plus de 10 salariés

13,7 %

0,2 %

Cadres administratifs ou commerciaux du privé

35,6 %

3 %

Cadres de la fonction publique

38,9 %

1,2 %

 

Ces chiffres, extraits des statistiques INSEE 2003, prouvent, si nécessaire, que les inégalités hommes / femmes demeurent, 29,8 % de la population féminine occupe un emploi à temps partiel ce qui est rarement un choix. Pour mettre un terme à cette situation il faudrait mener une politique d’emploi volontariste et, à l’égard des femmes, une politique dénuée d’arrière-pensées.

 

Une politique d’emploi volontariste est résolument tournée vers la relance économique, elle passe par l’accroissement (public et privé) de l’effort de recherche, elle sous-entend un investissement financier important consenti par l’Etat. De telles mesures sont évidemment totalement irréalisables dans le cadre de l’Europe que l’on nous propose de constitutionaliser : BCE indépendante des Etats, services publics réduits à une peau de chagrin et supplantés par des services économiques d’intérêt général soumis aux critères de rentabilité, interdiction faite aux Etats de fausser la concurrence et donc d’intervenir pour soutenir des entreprises en difficulté, droit à l’emploi (inscrit dans notre Constitution) remplacé par « la liberté de chercher un emploi » (article II-75).

Mais hélas, depuis plus de vingt ans, nos dirigeants ont adopté une tout autre démarche. Coincés par les exigences de la construction de l’Europe libérale, en période de pénurie d’emploi, ils ont choisi de … lutter contre le chômage, entendez par là : faire baisser les statistiques du chômage. Parmi les dispositifs mis en place pour réaliser ce tour de passe-passe, on compte les préretraites et le travail à temps partiel. « Le travail à temps partiel, dans notre pays, a fait irruption au début des années quatre-vingt, à la faveur de la crise de l’emploi et sous l’impulsion de politiques fortement incitatives. » Il a eu pour effet de faire « régresser la participation féminine à l’activité économique en recréant des zones d’emploi spécifiquement féminines.[1] »

 

Les arrière-pensées. Pour atteindre l’objectif, fixé par le sommet de Lisbonne, de 60 % d’emploi des femmes dans l’Union européenne en 2010, le rapport 2004 sur l’égalité entre les femmes et les hommes juge « cruciale » la transposition par les Etats membres de « l’acquis » communautaire. On connaît le dernier avatar de ces transpositions dans le droit français : le travail de nuit autorisé pour les femmes, ceci évidement au nom de l’égalité entre les hommes et les femmes ! Une manière sociale d’aborder le problème du travail de nuit eut été de le rendre illégal pour tous en accordant ensuite des dérogations, strictement encadrées, dans les secteurs où l’activité l’exige. Seulement voilà, dans une Europe qui cherche à « élaborer une stratégie coordonnée pour l’emploi et en particulier à promouvoir une main d’œuvre qualifiée formée et susceptible de s’adapter » (article III-97), on a privilégié « l’employabilité[2] » des femmes !

 

De plus, dans la mesure où tout ce qui concerne les salaires se trouve exclu de la politique sociale communautaire, on ne voit pas pourquoi des employeurs, disposant d’un arsenal législatif favorable (ce qui facilite la concurrence est décidé à la majorité qualifiée) se priveraient de pratiquer le dumping salarial, les délocalisations ont de beaux jours devant elles. Gageons que là, le principe d’égalité hommes / femmes sera appliqué à la lettre !


[1] Margaret Maruani : Travail et emploi des femmes – La Découverte

[2] Terme inventé par les libéraux désignant des salariés très compétents acceptant flexibilité, bas salaires, conditions de travail dégradées…