A plus d’un titre, la réforme des retraites imposée au monde du travail trahit la philosophie gouvernementale : conservatisme, fidélité aux dogmes libéraux.

Les femmes paieront le prix fort…

 

 

Contrairement à ce que prétendent Messieurs Raffarin, Fillon et autre Delevoye, notre système de retraites par répartitions n’est pas au bord de l’explosion du fait de la seule évolution démographique (augmentation du nombre de retraités et allongement de la durée de la vie).

S’il est vrai comme l’affirme Monsieur Raffarin qu’en « 1960 il y avait quatre actifs pour un retraité [et] en 2000… deux actifs pour un retraité » il est tout aussi vrai que, du fait de l’accroissement de la productivité, deux actifs d’aujourd’hui produisent 1,5 fois plus que les quatre d’hier (en 2020 un seul actif devrait produire davantage que deux actuellement).

Autre vérité historique : en vingt ans la part des salaires dans les richesses créées a chuté de plus de 10 points, elle était de 57,2 % en 2002 (« Comptes de la nation » Insee Première, avril 2003)

Bien peu nombreux sont ceux qui prétendent qu’il ne faut rien changer à la situation actuelle. C’est bien parce que le gouvernement impose de réformer les retraites sur la seule base des revenus salariaux, sans toucher à la valeur ajoutée, sans remettre en cause son désastreux programme de réduction de l’impôt sur le revenu, sans mettre en œuvre une politique de création d’emplois que le rejet du projet de loi Fillon ne faiblit pas.

En réalité ce qui inspire la pensée de Monsieur Fillon, c’est sa fidélité aux dogmes libéraux et son esprit conservateur pour ne pas dire réactionnaire.

Fidélité aux dogmes libéraux dictés par les directives européennes qui réclament de réduire toujours plus les dépenses sociales. Dans cet esprit, Messieurs Chirac et Jospin avaient signé, sans broncher, lors du conseil européen de Barcelone le 16 mars 2002 un texte qui préconise… « d’ici 2010, [d’]augmenter progressivement d’environ cinq ans l’âge moyen effectif auquel cesse, dans l’Union européenne, l’activité professionnelle. » Encore une fois, les revenus salariaux restent la seule variable d’ajustement !

Esprit conservateur voire, réactionnaire : la loi Fillon programme une baisse sévère et généralisée des pensions, cela a été démontré maintes fois, n’y revenons pas. Soulignons en revanche que, dans sa brutalité à l’encontre du monde du travail, cette loi réserve une attention toute particulière aux femmes. Prenons l’exemple des fonctionnaires, ces privilégiées…

Sous couvert de « mise en œuvre du principe de droit communautaire de l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes », les articles 27 et 31 étendent aux hommes les dispositions concernant l’éducation des enfants. La mesure est moins généreuse qu’il n’y paraît car la « bonification d’un an par enfant des années de service effectuées est remplacée par une validation des périodes d’interruption ou de réduction d’activité… »

Dans ces conditions, en l’absence de toute politique de retour à l’emploi, sachant que ce sont majoritairement les femmes qui prennent les congés pour l’éducation des enfants, la mise en place progressive, public et privé confondus, d’une décote de 5 % par année manquante représente pour les femmes, bien plus qu’une simple baisse de revenus. Il s’agit non pas de « maintenir et moderniser les avantages familiaux », comme le prétend l’exposé des motifs mais bien de mettre en œuvre une politique de régression sociale qui, d’abord, exclut les femmes du monde du travail pour mieux les pénaliser ensuite, ceci sous l’appellation fallacieuse « d’adaptation du droit français au droit communautaire ». La schizophrénie entre déclarations et intentions bat son plein !

 

Lors de la campagne présidentielle de 2002 un homme, Jean-Pierre Chevènement, a dénoncé la soumission de nos dirigeants politiques aux diktats de l’Europe libérale. Il a démontré les méfaits économiques de ces choix et mis en garde contre les graves dangers que la crise de confiance éprouvée par le peuple à l’égard de l’ensemble de ses dirigeants faisait courir au pays. Il n’a pas été entendu, un sinistre soir d’avril, Le Pen a franchi la barre du premier tour.

La droite au pouvoir et son opposition officielle ont-elles tiré les leçons de ce séisme électoral ? A l’évidence non, puisque les joutes parlementaires portent sur la régression sociale et non sur ce qui en est à l’origine à savoir le choix délibéré de ne pas déroger aux critères de Maastricht.

Il revient aux républicains de relever le défi, il leur revient de dénoncer l’Europe pour ce qu’elle est : un véritable cheval de Troie aux mains des libéraux pour attaquer le droit du travail quitte à y sacrifier la République et la Nation. Seul ce souci de clarification est susceptible de donner une perspective politique au mouvement social en cours. La réponse aux aspirations du monde du travail n’est dans aucun extrémisme, elle est républicaine. A nous de continuer le courageux combat de Jean-Pierre Chevènement, les femmes y trouveront leur compte !