Allocution de Jean-Luc Laurent à l’Observatoire de la parité

mercredi 11 juin 2003

"Le MRC est un parti pionnier en matière de mise en place de la parité en politique" Jean-Luc Laurent

 

 

Le MRC est un parti politique récent qui est l'héritier de deux histoires

La première et la plus ancienne est celle du MDC, mouvement politique fondé en 1993 par Jean-Pierre Chevènement. La seconde est celle du Pôle Républicain structure politique qui a animé la campagne électorale présidentielle de Jean-Pierre Chevènement.

L'attachement de notre formation politique est présente dans ces différentes histoires. Jean-Pierre Chevènement a été parmi les premiers parlementaires à déposer une proposition de loi relative à la parité en 1994. Cette même année, la liste qu'il conduisait aux élections européennes à été la première à la mettre en œuvre. Enfin, c'est à Jean-Pierre Chevènement en tant que ministre de l'Intérieur que l'on doit le vote de la loi sur la parité qui est aujourd'hui mise en œuvre.

Nous sommes donc acquis depuis notre origine à une action volontaire pour mettre en réalité la parité en politique.

 

Le MRC et la parité

L'histoire de notre formation nous contraint à transmettre à l'observatoire des chiffres parcellaires et qui ne bénéficient pas du recul utile à votre travail. En effet, la « population » militante du MRC est davantage que la somme du MDC et des comités de soutien. Certains de nos amis n'ont pas suivi notre démarche, d'autres sont apparus même après les élections législatives de 2002.

Reste une photographie que nous vous soumettons. Le MRC compte près de 4300 adhérents dont 26,8% de femmes.

Notre représentation nationale comprend 3 sénateurs et trois députés européens - tous masculins. Pour illustrer l'histoire dont je viens de parler, il faut se souvenir que le MDC comptait à l'issue des élections européennes de 1999, deux députés européens - un homme et une femme.

Concernant les élus locaux, le MRC accueille 365 d'entre eux dont 22,7% de femmes. Plus précisément, les femmes représentent 35% de nos 20 conseillers généraux, 11% de nos 18 conseillers régionaux, 7,14% de nos 42 maires, 22,34% de nos 94 maires-adjoints et 25,52% de nos 192 conseillers municipaux.

Nos statuts au niveau interne prévoient que la répartition des sexes au sein des instances ne saurait être significativement différente de ce qu'elle est au sein du parti. Cette volonté n'est néanmoins pas respectée au sein du secrétariat national qui accueille 10 femmes sur 25 membres soit 40% de l'ensemble.

Enfin pour être complet, le MRC a présenté 180 femmes sur 403 candidats aux élections législatives de 2002.

Ces chiffres peuvent surprendre concernant un parti qui revendique son attachement à la parité.

Ils s'expliquent néanmoins. Le MRC est un parti en formation. Il serait hasardeux de chercher une cohérence sur ce texte au travers de ce qui est - somme toute - une sédimentation d'histoires diverses. Pour autant, il faut remarquer que nous vivons la réalité des « petits partis » et surtout d'un parti émergent. Pour ces formations, bâtir un raisonnement sur un « nombre d'élus » est illusoire. A titre d'exemple, Catherine Coutard, qui fut l'une des porte-parole de Jean-Pierre Chevènement a été tête de liste de la gauche plurielle en 2001 à Montélimar et elle demeure la première non-élue de la liste PS-MDC-PRG des élections européennes de 1999. Qu'elle obtienne ces mandats et le tableau du MRC en serait changé.

Certain candidat MDC des élections régionales de 1998 étaient moins bien placé que certaines candidates mais le score et les effets d'ascenseur dans les listes les ont fait élire là où leurs camarades sont restées à la porte des assemblées. Nous ne sommes pas un nombre significatif d'élus pour prêter à l'analyse.

Pour autant, il faut convenir que les petits partis ont davantage d'élus homme parce que ces derniers sont fréquemment les seuls élus du parti sur les listes et que le premier candidat du parti est généralement… un homme.

Concernant le fonctionnement du parti, il ne connaît pas de norme homogène. Mais il faut signaler que les réunions du secrétariat national ont lieu à 18 heures, ce qui permet de concilier activité militante et vie de famille - et ce pas uniquement pour les femmes.

 

Les effets de la loi du 6 juin 2000

La loi du 6 juin 2000 a eu deux vertus essentielles. La première est d'avoir permis l'arrivée d'une véritable génération de candidates ; Cela peut paraître un brun tartuffe dans la mesure où cette hausse des candidatures ne se traduit pas forcément en terme d'élues ou de responsabilités. Les limites sont réelles et se constatent au parlement, dans les exécutifs et dans les élections non-concernées.

Mais il faut prendre aussi la mesure de l'acquis. Un coin est mis dans le tronc du machisme politique. De nombreuses candidates, de nombreuses élues municipales, de nombreuses élues régionales, ce sont autant de cadres politiques formées là où l'excuse des instances partisanes était la carence des militantes. Cela se remarque d'ailleurs dans la progression des femmes dans les responsabilités militantes.

Le deuxième avantage de la loi est d'avoir rendu lisible la volonté des partis politiques en la matière… ou l'absence de volonté.

Nous devons à la vérité que pour les petits partis, la « motivation financière » n'a pas été neutre dans la volonté de respecter au mieux la parité. Mais il est parfois légitime de faire de vice vertu. Dans de nombreux cas, cela a abouti à inverser les titulaires et les suppléants. Nous pouvons témoigner de la pédagogie des campagnes qui ont découlé de l'inversion.

Mais là encore nous devons avoir l'honnêteté de reconnaître que ces inversions ont été sans doute facilitées - ce qui ne veut pas dire qu'elles aient été faciles - par une perspective d'élection limitée.

Pour revenir à la lettre de vos questions, je pense évidemment que la place des femmes dans les exécutifs est trop faible. Nous manquons de recul pour vous transmettre un état des délégations concernant nos adhérents. De même, les négociations sur les délégations se tenant au niveau local il est difficile de bâtir une généralité. Je peux juste apporter le témoignage de ma propre municipalité où cette répartition s'est faite après un débat interne qui a évidemment exclu ce genre de considération.

Je suis surpris en revanche par votre question relative à la « modification » de la politique. Il faut se garder des caricatures qui délivrent un message inverse de celui que l'on croit émettre. L'arrivée de davantage de femmes au sein des exécutifs n'a pas été un « délicieux moment de fraîcheur et de jouvence ». Ces nouvelles élues étaient soit des militantes soit des personnes impliquées dans le mouvement social ou associatif. En tout cas toutes sont des citoyennes responsables.

Je ne crois pas qu'il y ait une sexualité de l'action publique. Et je trouve que bâtir une telle typologie est dévalorisant. Il y a une meilleure prise en compte des problèmes spécifiques des femmes. Cela ne minimise pas le sujet, mais convenons qu'il n'y pas de motif à ce qu'un budget, une politique scolaire ou une politique de développement économique fassent l'objet d'une approche fondamentalement différente.

En revanche, je crois - parce que la parité du travail familial est encore à conquérir - qu'il y a une approche plus pratique et réaliste des contraintes de la vie de famille et, par-là, des difficultés à assumer un mandat électif.

De nombreuses municipalités commencent à mieux prendre en compte la gestion du temps. C'est le cas de la mienne. Le rôle des élues dans cette prise en compte est réel et je dois dire que nos collègues féminines ont fait là œuvre utile aussi bien pour leur propre compte que pour celui de leurs collègues masculins qui aspirent à une vie de famille plus dense et plus stable. A titre d'exemple, ma municipalité a modifié ses horaires - et la durée de ses bureaux municipaux.

 

La désignation des candidates

Le Pôle républicain qui a précédé le MRC s'est fortement investi pour arriver à la parité. Cela ne s'est pas fait sans difficulté. Cela étant, compte tenu des circonstances propres à cette période pour nous, les principaux obstacles ont moins été la réticence des hommes à laisser leur place (même s'il y en a eu parfois) que de lancer des militantes souvent nouvelles dans un combat perdu d'avance.

Cela étant, nous avons quasiment atteint l'objectif de parité alors que le MDC n'avait jamais franchi la borne du tiers.

Ces candidatures ont essentiellement été recrutées dans les comités de soutien à Jean-Pierre Chevènement mais l'honnêteté pousse à reconnaître que ce résultat est autant le fait d'une volonté d'ouverture que du fait de comités de soutien qui réunissaient plus de 30 000 personnes alors que le MDC « plafonnait » à 5000 adhérents.

Concernant le mécanisme de pénalisation, je le trouve assez efficace. Il pourrait être renforcé en établissant, par exemple, une recevabilité des rattachements au financement des partis politiques à due concurrence de la parité, à un niveau donné. Par exemple, en Ile de France où sont élus 99 députés, un parti qui présenterait 30 femmes et 69 hommes ne pourraient faire prendre en compte pour le financement des partis politiques que les voix de ses trente candidates et de ses trente meilleurs candidats.

Quant au résultat final, l'explication est fort simple : la parité a été recherchée par de nouvelles candidates qui ne se sont présentées que face à des sortants adverses et dans les circonscriptions où il n'y avait pas de battu de 1997. Je parle là évidemment pour le cas des grands partis.

 

Les modifications des modes de scrutin

La loi de modification des modes de scrutin est une loi de convenance du duopole politique que d'aucun voudrait installer. Je ne développerai pas davantage ce point même s'il est d'une grande importance pour notre vie démocratique.

Je voudrai juste décrire ses effets pervers. Quand l'objet d'une modification électorale est le partage « harmonieux » des postes, les considérations d'intérêt général deviennent bien lointaines.

Ce sont les intérêts particuliers qui priment. En l'espèce, vous aurez remarqué que tout à été fait pour ne pas chagriner les baronnies locales. C'est l'histoire des sections qui ont amené à un partage des circonscriptions électorales aussi illisibles qu'inextricables. La conséquence est simple, la parité sur une proportionnelle congrue tue la parité. Les têtes de liste ou plutôt de section seront très majoritairement des hommes et dans de nombreux cas les listes n'auront qu'un élu par section - parfois trois. Dans tous les cas, la parité ne peut qu'en pâtir.

 

Jean-Luc Laurent est premier secrétaire du Mouvement républicain et citoyen, maire du Kremlin-Bicêtre et vice-président du conseil régional d'Ile-de-France chargé du logement.